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Vibe coding
Vibe Coding : quand l’intelligence artificielle code à votre place, entre révolution et nouveaux risques cyber

Le terme « vibe coding » s’est imposé récemment dans la communauté des développeurs. Il décrit une nouvelle manière de programmer : non plus en écrivant soi-même le code, mais en laissant une intelligence artificielle générative le produire à partir d’une simple description. On ne demande plus « fais-moi une fonction », on exprime une intention, une ambiance, une idée. Et le code naît de cette interaction conversationnelle.

 

Cette approche bouleverse profondément le rapport au développement logiciel. Elle ouvre la voie à une productivité inédite, mais aussi à une dilution du contrôle et à l’émergence de nouveaux risques en matière de cybersécurité.

 

Du code à la conversation

 

Le « vibe coding » s’inscrit dans la continuité de la montée en puissance des assistants de programmation tels que GitHub Copilot, ChatGPT, Claude ou Code Llama. Ces outils transforment des instructions énoncées en langage naturel en lignes de code exécutables. Le développeur ne code plus directement : il dialogue avec la machine, décrit un besoin, puis ajuste le résultat au besoin.

 

L’évolution la plus marquante réside dans le glissement du « prompt engineering » vers ce qu’on pourrait appeler le « vibe engineering ». Autrement dit, l’utilisateur ne précise plus la syntaxe ou les contraintes techniques : il expose son intention générale. L’IA en déduit le cadre, la logique et même parfois l’esthétique du résultat. L’on passe du code commandé au code intuitif, du texte fonctionnel à l’expression d’un ressenti.

 

Ce mouvement séduit par sa simplicité. Il permet de prototyper rapidement, d’expérimenter sans barrière technique, et d’accélérer le développement d’outils internes, de sites vitrines ou de scripts d’intégration. Mais derrière cette fluidité apparente se cache une perte de contrôle et de vigilance.

 

Un code qui fonctionne, mais qui n’est pas sûr

 

Le principal risque du vibe coding réside dans la confiance excessive accordée au code généré. 

 

Les recherches menées par l'université de Stanford en 2023 et puis par celle de New York en 2024 ont montré que les modèles d’IA produisent du code comportant des vulnérabilités dans près d’un cas sur deux. Ces erreurs ne sont pas toujours visibles : le code s’exécute correctement, mais il comporte des failles dans la logique applicative.

 

Les vulnérabilités les plus fréquentes concernent les injections SQL, les failles XSS, la gestion inadéquate des identifiants ou encore l’emploi de bibliothèques obsolètes. L’illusion de la perfection générative peut ainsi masquer une fragilité profonde.

 

Un autre enjeu est celui de la pollution logicielle. Les modèles d’IA sont entraînés sur d’immenses corpus de code open source, dont la qualité varie considérablement. Certains chercheurs ont démontré qu’il est possible d’empoisonner volontairement ces corpus en y insérant du code malveillant. L’IA peut alors reproduire ces fragments sans en mesurer la dangerosité, introduisant dans les projets des dépendances compromises ou des erreurs systématiques.

 

Enfin, la question de la confidentialité des données se pose avec acuité avec cette pratique. De nombreux utilisateurs fournissent dans leurs requêtes des exemples de configuration, des clés API ou des extraits de code interne. Or ces informations peuvent être conservées par les fournisseurs d’IA, exposant ainsi l’entreprise à un risque de fuite indirecte.

 

Encadrer l’usage du code génératif

 

Face à cette transformation rapide, les directions techniques et les responsables sécurité commencent à encadrer l’usage de ces outils. Une politique d’utilisation claire et précise devient indispensable. Les équipes doivent apprendre à ne jamais inclure de secrets ou des données confidentielles dans leurs échanges avec l’IA. Les résultats générés doivent être testés et audités avant toute mise en production, de préférence dans des environnements isolés.

 

Les outils d’analyse statique tels que SonarQube ou Semgrep permettent d’automatiser une partie de cette vérification. Mais rien ne remplace une revue de code par un développeur chevronné. Le rôle du développeur évolue : il n’est plus seulement producteur de code, il devient garant de sa fiabilité et de sa conformité.

 

La formation est un levier essentiel. Comprendre la logique des modèles génératifs, leurs biais et leurs limites, fait désormais partie des compétences fondamentales du développement sécurisé.

 

L’assurance cyber à l’épreuve du code IA

 

Cette mutation technologique ne laisse pas les assureurs indifférents. Les polices d’assurance cyber (mais seulement) commencent à intégrer (ou a exclure) de leurs garantie des événements relatifs l’usage des outils d’intelligence artificielle dans le développement logiciel. Le principe de responsabilité devient flou : qui est responsable d’une faille introduite par une IA ? Le développeur qui l’a utilisée ? L’entreprise qui l’emploie ? Le fournisseur ou l'entraineur du modèle ?

 

Certaines affaires récentes montrent déjà la complexité de ces situations. Lorsqu’une vulnérabilité issue d’un code généré expose des données sensibles, la chaîne de responsabilité se fragmente. Les assureurs devront s’adapter à cette zone grise, tout comme les entreprises devront documenter précisément leurs processus de développement assistés par IA. La tâche semble ardue lorsque l'on sait que nombre d'entreprise s'appuie sur l'emploi de développeurs indépendants.

 

Une révolution à maîtriser

 

Le vibe coding marque une rupture dans la manière de concevoir les logiciels. Il rend la programmation plus accessible, plus fluide, presque artistique. Mais il impose aussi une rigueur nouvelle. Là où l’on gagnait en intuition, il faut désormais redoubler de méthode.

 

L’intelligence artificielle peut coder vite, bien, et avec créativité. Mais elle ne sait pas encore mesurer les conséquences de ses choix, ni garantir la sécurité de ses productions. Le défi des années à venir consistera à conjuguer la puissance de l’automatisation avec la vigilance humaine, à faire coexister la vitesse et la vérification.

 

Coder au “vibe” n’est pas une faute. C’est un progrès, à condition de ne jamais renoncer au contrôle. L’IA peut écrire le code, mais c’est à l’humain d’en assumer la fiabilité et la responsabilité.